Anthropomorphisme, anthropocentrisme...
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Anthropomorphisme, anthropocentrisme...
Anthropomorphisme, anthropocentrisme...
Le désir de vengeance peut-il animer un chien?
Texte publié dans le magazine "Santé Pratique Animaux" n° 20 de décembre 2004
et le magazine "Atout Chien" n° 226 de décembre 2004
L’idée tenace qu’un chien laissé seul à la maison, détruit ou sème ses déjections dans le but « de se venger !» …. Doublée de celle aussi persistante, que « pourtant il sait qu’il a mal fait ! » avec sa mine penaude quand rentrent ses maîtres…! polluent les relations de l’homme et de son compagnon.
Ces interprétations anthropocentristes font le malheur de l’animal et de ses propriétaires, pour les conduire parfois jusqu’à la rupture de leur relation.
Faire de l’anthropomorphisme, de l’anthropocentrisme….
Des mots mal connus pour qualifier ce que nous faisons pourtant tout naturellement vis-à-vis de nos animaux, comme Monsieur Jourdain « qui faisait de la prose sans le savoir »… !
Du grec anthropos : homme, et morphê : forme : le dictionnaire dit qu’anthropomorphisme est la tendance à attribuer aux animaux des caractéristiques propres à l’homme. C’est donc pour l’être humain, tout ramener à lui-même, s’expliquer l’autre en fonction de soi, pour tenter de donner sens à ce qu’il est difficile de comprendre et contrôler.
Toutes les croyances et idées fausses sur le chien sont dictées par ce mouvement naturel de l’humain. Ensuite, en barrant le chemin de la compréhension de l’animal et lui portant préjudice, ces croyances sont transmises et assénées, sans plus de possibilité d’envisager d’autre « vérité »
Est-il possible de vivre harmonieusement avec un être vivant auquel on prête des émotions, des ressentis, des sentiments, des intentions qu’il n’a pas ?
Est-il possible de vivre harmonieusement avec lui, alors que l’on ne le comprend pas ?
Comment cela pourrait-il ne pas retentir sur son bon équilibre psychique, comportemental et même physiologique ?
On me dit souvent :
« Mon chien comprend tout ce que l’on fait et ce qu’on lui dit … » !
Que le chien ait apprit par association un certain nombre de mot, ou groupes de mots (ex : que « ballon » c’était ce truc rond qu’on lui lance, ou que « va-chercher-ta-laisse » vous rend joyeux et satisfait quand il court la chercher) c’est indéniable, mais il ne peut pas « comprendre » le sens des mots que nous employons.
Sensible aux contextes et à une « musique » des mots, le chien n’a pas accès à la sémantique.
Attention donc à ne pas tellement humaniser cet animal (si doué il est vrai !) au point de « le prendre » pour un être humain.
Que le chien, lui, nous « prenne » pour un de ses congénères…semble bien improbable ! Il fait parfaitement la différence entre nous et l’un des siens ! Mais qu’il réagisse face à nous en puisant dans le catalogue des comportements propres à son espèce, est bien naturel !! Puisque nous faisons exactement de même ! … En nous attendant à ce qu’il réagisse comme le ferait un être humain à sa place !
Rompre cette chaîne des mutuelles méprises auxquelles mènent immanquablement anthropomorphisme et « canimorphisme* » croisés, est possible à notre espèce mais pas à l’espèce canine.
L’éthologie, cette science qui étudie le comportement des êtres vivant, humains ou animaux, et s’intéresse aux motifs qu’un individu a d’exprimer tel ou tel comportement, nous permet de mieux percevoir une réalité animale jusqu’ici ignorée.
La compréhension d’un (ou plusieurs) comportement(s) gênant(s) de l’animal, commande de ne pas rester focalisés sur celui (ou ceux-ci) mais de se concentrer sur les interactions maître et chien qui les génèrent et les entretiennent.
Contextes familiaux, éléments déclencheurs, manifestations de comportements associés, sont donc autant de mesures à prendre pour s’expliquer l’une ou l’autre conduite indésirable de nos compagnons à 4 pattes.
Revenons au chien qui détruit et/ou souille la maison en l’absence de ses maîtres et suivons l’idée qu’ainsi « il se vengerait »…
Cela voudrait dire qu’étant laissé seul, l’animal se sentirait victime d’une injustice et qu’il lui faudrait châtier à son tour, pour réparation de ce préjudice. Quelque chose de l’ordre de « tu m’as fait ça… et bien moi je vais te faire ça… et ainsi tu vas comprendre… ! »
En projetant sur l’animal le sentiment qu’un être humain pourrait ressentir en pareille circonstance, le maître prête dans la foulée à son animal, la capacité d’organiser "un plan" que seule la complexité d'un cerveau humain est capable d'élaborer.
En poursuivant avec l’idée que : «il sait qu’il a mal fait avec sa mine penaude quand on rentre, mais pourtant il continue !» Les maîtres renforcent leur certitude que cet animal est animé des sentiments et intentions les plus retorses!
Les différents recours à la sanction ne remplissant pas leur fonction dissuasive attendue, obligent pratiquement à penser alors, et toujours dans la même ligne de raisonnement, que l’on ne peut décidemment rien tirer de ce chien.
Ne serait-il pas temps d’envisager d’abandonner « ce tout ramener à soi » pour un regard plus « éthologique » et plus proche de la réalité canine ?
La réalité canine
On observe qu’un chien ne sait pas rester seul sans détruire et/ou souiller la maison, quand il est animé soit de détresse de solitude, soit d’incompréhension et colère à voir sortir librement ses propriétaires (un chien pouvant vivre plusieurs de ces raisons associées)
- La détresse de solitude est ressentie par un animal qui n’a pas acquis assez d’autonomie. Ses atteintes à son environnement sont généralement dirigées sur le mobilier (canapés, fauteuils, coussins) sur des vêtements ou objets divers (CD, revues, télécommandes, etc…) Le flairage effréné, la prise en gueule (avec ou sans mordillements) d’objets et vêtements, signalent la quête désespérée de l’animal pour « retrouver ses maîtres » et les faire être plus présents.
- L’incompréhension et colère de voir sortir librement ses propriétaires, animent un chien qui ne se considère pas comme leur subordonné (dans les codes sociaux canins, ce privilège étant réservé à la dominance). L’animal redirige alors la forte tension ressentie, en grattage des murs, portes ou fenêtres et/ou sème urines et selles moulées de marquage (ces marquages étant des « rappels à l’ordre façon hiérarchie canine ! »)
Un statut ambigu pour certains chiens est émotionnellement des plus inconfortable à vivre, alors que certains rituels de priorité d’accès à la nourriture ou de gestion de l’espace et des interactions par exemple, réduisent ces ambiguïtés pour le chien et favorisent l’harmonie des relations.
Tous ces comportements (symptômes des difficultés d’adaptation de l’animal) ne sont donc pas destinés à nuire, mais sont exutoires aux différentes formes de tensions intérieures ressenties.
Devant les différents dégâts, déduire donc que le chien avec sa mine penaude au retour de ses maîtres, « sait pourtant bien qu’il a mal fait (la preuve : il détale pour se cacher ou prend toutes les postures de la soumission pour demander pardon !) » relève du même mécanisme anthropomorphique.
D’un rapide coup d’œil, l’animal a très bien associé les traits un tantinet soucieux des maîtres qui scrutent leur intérieur en rentrant, avec les cris, menaces (et coups parfois) qui en ont découlés. Dès lors, il a l’habitude de redouter ces colères qui s’abattent souvent sur lui (de manière inégale et imprévisible) quand ses maîtres rentrent et cherche à les apaiser avec un comportement du répertoire social canin.
Les postures de soumission (déclinées en attitudes plus ou moins marquées, d’aplatissement de l’animal jusqu’au renversement sur le flanc avec exposition de sa gorge et son ventre) sont, selon les codes sociaux canins, destinées à signifier à l’autre sa grande vulnérabilité et son désir de ne pas entrer en conflit. Il n’est pas question dans de telles séquences comportementales entre congénères, de « demander pardon à l’autre de ses fautes ! », mais bien simplement d’éviter tout combat avec celui qui menace.
Si faire une mauvaise lecture du comportement d’un chien (c’est-à-dire l’interpréter de manière erronée) pouvait ne pas avoir d’incidence fâcheuse, il n’y aurait pas lieu de se plaindre de l’anthropomorphisme.
Mais mal interpréter les conduites de son animal, entraîne forcément des réponses inappropriées des maîtres. Penser que son chien est retors et vengeur conduit rapidement à vouloir le sanctionner, alors que ce dont il aurait besoin serait d’être compris dans sa détresse.
D’incompréhensions mutuelles en réponses inadaptées, c’est l’échec de la communication jusqu’à parfois la rupture de la relation, si l’on ne pense pas alors à demander l’aide d‘un spécialiste du comportement.
* mot inventé par l’auteur !
Danièle Mirat
Le désir de vengeance peut-il animer un chien?
Texte publié dans le magazine "Santé Pratique Animaux" n° 20 de décembre 2004
et le magazine "Atout Chien" n° 226 de décembre 2004
L’idée tenace qu’un chien laissé seul à la maison, détruit ou sème ses déjections dans le but « de se venger !» …. Doublée de celle aussi persistante, que « pourtant il sait qu’il a mal fait ! » avec sa mine penaude quand rentrent ses maîtres…! polluent les relations de l’homme et de son compagnon.
Ces interprétations anthropocentristes font le malheur de l’animal et de ses propriétaires, pour les conduire parfois jusqu’à la rupture de leur relation.
Faire de l’anthropomorphisme, de l’anthropocentrisme….
Des mots mal connus pour qualifier ce que nous faisons pourtant tout naturellement vis-à-vis de nos animaux, comme Monsieur Jourdain « qui faisait de la prose sans le savoir »… !
Du grec anthropos : homme, et morphê : forme : le dictionnaire dit qu’anthropomorphisme est la tendance à attribuer aux animaux des caractéristiques propres à l’homme. C’est donc pour l’être humain, tout ramener à lui-même, s’expliquer l’autre en fonction de soi, pour tenter de donner sens à ce qu’il est difficile de comprendre et contrôler.
Toutes les croyances et idées fausses sur le chien sont dictées par ce mouvement naturel de l’humain. Ensuite, en barrant le chemin de la compréhension de l’animal et lui portant préjudice, ces croyances sont transmises et assénées, sans plus de possibilité d’envisager d’autre « vérité »
Est-il possible de vivre harmonieusement avec un être vivant auquel on prête des émotions, des ressentis, des sentiments, des intentions qu’il n’a pas ?
Est-il possible de vivre harmonieusement avec lui, alors que l’on ne le comprend pas ?
Comment cela pourrait-il ne pas retentir sur son bon équilibre psychique, comportemental et même physiologique ?
On me dit souvent :
« Mon chien comprend tout ce que l’on fait et ce qu’on lui dit … » !
Que le chien ait apprit par association un certain nombre de mot, ou groupes de mots (ex : que « ballon » c’était ce truc rond qu’on lui lance, ou que « va-chercher-ta-laisse » vous rend joyeux et satisfait quand il court la chercher) c’est indéniable, mais il ne peut pas « comprendre » le sens des mots que nous employons.
Sensible aux contextes et à une « musique » des mots, le chien n’a pas accès à la sémantique.
Attention donc à ne pas tellement humaniser cet animal (si doué il est vrai !) au point de « le prendre » pour un être humain.
Que le chien, lui, nous « prenne » pour un de ses congénères…semble bien improbable ! Il fait parfaitement la différence entre nous et l’un des siens ! Mais qu’il réagisse face à nous en puisant dans le catalogue des comportements propres à son espèce, est bien naturel !! Puisque nous faisons exactement de même ! … En nous attendant à ce qu’il réagisse comme le ferait un être humain à sa place !
Rompre cette chaîne des mutuelles méprises auxquelles mènent immanquablement anthropomorphisme et « canimorphisme* » croisés, est possible à notre espèce mais pas à l’espèce canine.
L’éthologie, cette science qui étudie le comportement des êtres vivant, humains ou animaux, et s’intéresse aux motifs qu’un individu a d’exprimer tel ou tel comportement, nous permet de mieux percevoir une réalité animale jusqu’ici ignorée.
La compréhension d’un (ou plusieurs) comportement(s) gênant(s) de l’animal, commande de ne pas rester focalisés sur celui (ou ceux-ci) mais de se concentrer sur les interactions maître et chien qui les génèrent et les entretiennent.
Contextes familiaux, éléments déclencheurs, manifestations de comportements associés, sont donc autant de mesures à prendre pour s’expliquer l’une ou l’autre conduite indésirable de nos compagnons à 4 pattes.
Revenons au chien qui détruit et/ou souille la maison en l’absence de ses maîtres et suivons l’idée qu’ainsi « il se vengerait »…
Cela voudrait dire qu’étant laissé seul, l’animal se sentirait victime d’une injustice et qu’il lui faudrait châtier à son tour, pour réparation de ce préjudice. Quelque chose de l’ordre de « tu m’as fait ça… et bien moi je vais te faire ça… et ainsi tu vas comprendre… ! »
En projetant sur l’animal le sentiment qu’un être humain pourrait ressentir en pareille circonstance, le maître prête dans la foulée à son animal, la capacité d’organiser "un plan" que seule la complexité d'un cerveau humain est capable d'élaborer.
En poursuivant avec l’idée que : «il sait qu’il a mal fait avec sa mine penaude quand on rentre, mais pourtant il continue !» Les maîtres renforcent leur certitude que cet animal est animé des sentiments et intentions les plus retorses!
Les différents recours à la sanction ne remplissant pas leur fonction dissuasive attendue, obligent pratiquement à penser alors, et toujours dans la même ligne de raisonnement, que l’on ne peut décidemment rien tirer de ce chien.
Ne serait-il pas temps d’envisager d’abandonner « ce tout ramener à soi » pour un regard plus « éthologique » et plus proche de la réalité canine ?
La réalité canine
On observe qu’un chien ne sait pas rester seul sans détruire et/ou souiller la maison, quand il est animé soit de détresse de solitude, soit d’incompréhension et colère à voir sortir librement ses propriétaires (un chien pouvant vivre plusieurs de ces raisons associées)
- La détresse de solitude est ressentie par un animal qui n’a pas acquis assez d’autonomie. Ses atteintes à son environnement sont généralement dirigées sur le mobilier (canapés, fauteuils, coussins) sur des vêtements ou objets divers (CD, revues, télécommandes, etc…) Le flairage effréné, la prise en gueule (avec ou sans mordillements) d’objets et vêtements, signalent la quête désespérée de l’animal pour « retrouver ses maîtres » et les faire être plus présents.
- L’incompréhension et colère de voir sortir librement ses propriétaires, animent un chien qui ne se considère pas comme leur subordonné (dans les codes sociaux canins, ce privilège étant réservé à la dominance). L’animal redirige alors la forte tension ressentie, en grattage des murs, portes ou fenêtres et/ou sème urines et selles moulées de marquage (ces marquages étant des « rappels à l’ordre façon hiérarchie canine ! »)
Un statut ambigu pour certains chiens est émotionnellement des plus inconfortable à vivre, alors que certains rituels de priorité d’accès à la nourriture ou de gestion de l’espace et des interactions par exemple, réduisent ces ambiguïtés pour le chien et favorisent l’harmonie des relations.
Tous ces comportements (symptômes des difficultés d’adaptation de l’animal) ne sont donc pas destinés à nuire, mais sont exutoires aux différentes formes de tensions intérieures ressenties.
Devant les différents dégâts, déduire donc que le chien avec sa mine penaude au retour de ses maîtres, « sait pourtant bien qu’il a mal fait (la preuve : il détale pour se cacher ou prend toutes les postures de la soumission pour demander pardon !) » relève du même mécanisme anthropomorphique.
D’un rapide coup d’œil, l’animal a très bien associé les traits un tantinet soucieux des maîtres qui scrutent leur intérieur en rentrant, avec les cris, menaces (et coups parfois) qui en ont découlés. Dès lors, il a l’habitude de redouter ces colères qui s’abattent souvent sur lui (de manière inégale et imprévisible) quand ses maîtres rentrent et cherche à les apaiser avec un comportement du répertoire social canin.
Les postures de soumission (déclinées en attitudes plus ou moins marquées, d’aplatissement de l’animal jusqu’au renversement sur le flanc avec exposition de sa gorge et son ventre) sont, selon les codes sociaux canins, destinées à signifier à l’autre sa grande vulnérabilité et son désir de ne pas entrer en conflit. Il n’est pas question dans de telles séquences comportementales entre congénères, de « demander pardon à l’autre de ses fautes ! », mais bien simplement d’éviter tout combat avec celui qui menace.
Si faire une mauvaise lecture du comportement d’un chien (c’est-à-dire l’interpréter de manière erronée) pouvait ne pas avoir d’incidence fâcheuse, il n’y aurait pas lieu de se plaindre de l’anthropomorphisme.
Mais mal interpréter les conduites de son animal, entraîne forcément des réponses inappropriées des maîtres. Penser que son chien est retors et vengeur conduit rapidement à vouloir le sanctionner, alors que ce dont il aurait besoin serait d’être compris dans sa détresse.
D’incompréhensions mutuelles en réponses inadaptées, c’est l’échec de la communication jusqu’à parfois la rupture de la relation, si l’on ne pense pas alors à demander l’aide d‘un spécialiste du comportement.
* mot inventé par l’auteur !
Danièle Mirat
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