2 idées reçues à combattre
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2 idées reçues à combattre
Texte publié dans le magazine "Molosses news" n°29 de Octobre/Novembre 2003.
Vous pensez que votre chien détruit parce qu’il vous en veut d’être sorti sans lui ? !
Attention, ressentiment, rancune, esprit de vengeance, ne sont pas des sentiments de chien.
La réalité animale est souvent bien loin des idées toutes faites que s’en font les êtres humains, et voyons comment une relation avec un chien peut aller jusqu’à la rupture, quand elle est basée sur 2 idées reçues parmi les plus tenaces:
Non ! le chien qui détruit, aboie ou souille la maison de ses déjections quand vous tournez les talons, ne se « venge » pas !
Non ! ça n’est pas parce qu’il prend cet air penaud, presque rampant la tête et la queue basse, qu’il « sait qu’il a mal fait » !
Non ! le chien qui détruit, aboie ou souille la maison de ses déjections quand vous tournez les talons, ne se « venge » pas !
Cette première croyance n’est qu’une interprétation humaine et erronée, qui voile notre ignorance de la spécificité de l’animal.
Mais alors qu’est-ce qu’il a à détruire ainsi ? me demande Alex propriétaire de « Tarzan » son jeune dogue argentin.
Le molosse exprime simplement la détresse qu’il ressent quand il se retrouve seul sans son maître ; inquiet voire anxieux, il essaie de se libérer de sa tension intérieure en la redirigeant dans des actions de secouement, mâchouillement ou grattage de ce qui est à sa portée.
Malheureusement cela ne lui apporte pas l’apaisement recherché, puisque seule la présence de son maître le sécurise vraiment.
En écoutant Alex me faire le long récit des divers méfaits de son compagnon, je me représentais très bien Tarzan, déjà inquiet dès que son maître enfile son veston, prépare son porte-document, cherche ses clés pour s’apprêter à sortir ; je l’imaginais entendant Alex lui « expliquer » en mots qu’il ne comprenait pas ! qu’il fallait bien « que papa aille travailler, et qu’il attendait de son chien qu’il soit bien sage ! »
Tarzan resté seul se mettait à tourner, courir à la fenêtre, gémir quand ça n’était pas hurler, chercher anxieusement traces de son maître comme pour le faire être présent, trouver son odeur sur les coussins et les accoudoirs du canapé, les chaussons oubliés là, le tee-shirt accroché à la patère, le livre qu’il lisait hier soir.
Le molosse se saisissait alors tour à tour de l’un ou de l’autre de ces objets pour les mordiller, dans une vaine tentative d’y trouver un apaisement à sa détresse.
Désemparé parce que trop attaché
«L’ hyper attachement » c'est-à-dire un attachement unique et intense à une seule personne dans sa famille, est à la base de désarroi chez l’animal quand l’être d’affection s’absente, mais pas seulement.
C’est aussi parfois le fait d’un chien dont le positionnement relationnel n’est pas clair pour lui, n’étant pas de manière constante (voire pas du tout !) sous l’autorité de ses propriétaires.
C’était le cas de Scratch le doberman, indigné de voir partir librement, alors qu’il n’en avait rien décidé ! la petite famille dont il lui semblait avoir la charge ! D’où les détériorations plutôt situées au niveau des portes et fenêtres, aboiements de colère, et souvent déjections disposées toujours bien en évidence (de marquage celles-là) pour rappeler à ses maîtres qu’il ne fallait pas oublier qui était le chef dans cette maison !
Pas davantage motivés par l’esprit de vengeance que ceux Tarzan, les comportements de Scratch sont aussi l’expression de la détresse émotive d’un animal, qui lui ne comprend pas les comportements incohérents de ses maîtres.
En effet, Scratch n’en faisait souvent qu’à sa tête ; Ingrid et Grégoire ne s’y opposait pas trop, et lui offrait donc un statut social incertain, changeant, donc anxiogène.
En tout cas quand (rarement !) ils sortaient sans lui, ils se comportaient en maîtres ayant autorité (les seuls qui peuvent aller et venir librement) et donc en toute contradiction avec la plupart de leurs comportements habituels vis-à-vis de lui.
Dans le cas de Toupie, la bull terrier de Joseph et Pascale, c’est à la suite de leur déménagement qu’elle s’était mise à aboyer, détruire et souiller la maison de ses déjections éparses, puis ensuite à creuser dans le jardin chaque fois que ses maîtres tournaient les talons.
Là aussi c’est sa détresse que Toupie exprimait, devant une perte de ses anciens repères de vie ; insécurité intérieure qui peut aussi être ressentie par certains chiens, lors des retours de vacances ou de perte d’un être cher de sa famille, par décès ou divorce par exemple.
Un spécialiste du comportement pourra identifier avec précision ce qui motive ces différentes expressions de la détresse d’un chien. Destructions, aboiements, malpropretés, mais aussi agitations, activités autocentrées (grattages, léchages parfois jusqu’à mutilation), comportement alimentaire déréglé, etc.… la liste n’est pas exhaustive.
Non ! ça n’est pas parce qu’il prend cet air penaud, presque rampant la tête et la queue basse, qu’il « sait qu’il a mal fait » !
Chez leurs maîtres respectifs, les trois molosses avaient chacun souffert de cette seconde croyance qui accompagne la première.
Encore chiot, Tarzan avait déjà commencé à exprimer son inquiétude quand Alex s’absentait. Il se saisissait d’un objet ou d’un vêtement, le gardait avec lui sur son tapis, mais sans vraiment l’abîmer.
Constatant ces premières « bêtises » en rentrant chez lui, Alex bien fâché y avait réagi en grondant son petit molosse, récupérant ses affaires sur lesquelles le chiot sans comprendre, mi-joyeux mi-inquiet venait se rouler et se mettre sur le dos en posture de soumission, pour tenter d’apaiser le soudain courroux de son maître.
Tarzan n’étant pas en mesure d’associer la brusque colère d’Alex au fait qu’il avait dans la journée, transporté et mâchonné tel objet sur son tapis, ne comprenait pas ce qui motivait cette conduite, et se mit petit à petit à craindre chaque réapparition de son maître.
lI venait dorénavant l’accueillir à la fois fou de joie de le retrouver enfin, mais les oreilles basses, tour à tour en sautillant puis s’aplatissant, s’attendant à cette colère incompréhensible et maintenant habituelle de son maître, à chacun de ses retours.
L’escalade des incompréhensions mutuelles avait commencé : Tarzan gémissait longuement dans ses moments de solitude (selon les dires du voisinage) et cherchait de plus en plus désespérément à trouver un apaisement, en s’emparant d’objets divers qu’il allait maintenant jusqu’à déchiqueter nerveusement.
Se sentant de moins en moins rassuré par ce maître imprévisible, le molosse était maintenant couché sur son tapis quand Alex rentrait, la tête et les oreilles basses avec juste quelques timides battements du bout de la queue.
Cette attitude craintive et de soumission disait bien "caninement" sa désorientation intérieure et son souhait de ne pas entrer en conflit avec son maître, mais Alex l’interprétait humainement, comme l’attitude penaude d’un enfant qui venait d’être pris en faute.
Excédé par les plaintes des voisins, comme par les destructions toujours renouvelées, Alex entrait en fureur, s’agitait et réparait les dégâts, se retenait il ne sait comment ! de frapper ce maudit molosse qui pourtant « savait si bien qu’il était coupable » !! Il le punissait en l’isolant sur le balcon !
Après une bonne douche et une balade avec son chien, Alex enfin retrouvait son calme et sa bonne humeur… Tarzan lui, redevenait un peu joueur et insouciant… Jusqu’au lendemain seulement.
Pour Scratch, son histoire avait été tout autre.
En grandissant, petit à petit il avait pris l’habitude de décider de bien des choses dans son quotidien. Il gesticulait devant la porte pour obtenir de sortir, aboyait pour avoir de la nourriture à table, ou pour que cesse une trop longue conversation téléphonique, ou une de ces discussions à n’en plus finir de son maître avec le voisin.
Il sollicitait continuellement Ingrid, Grégoire et les enfants pour recevoir attention, caresses, jeux, etc...
Bref, il menait son petit groupe familial par le bout du nez ; alors la première fois qu’il a vu sortir tout ce petit monde là sans lui, il n’était soudain plus certain d’avoir la place de celui qui a le contrôle sur les siens (place qu’on lui laissait pourtant occuper d’habitude).
Scratch était frustré et indigné de tant d’insoumission de leur part. Il lui fallait rappeler à l’ordre ces « insubordonnés », et les aboiements, urine et défécations étaient là pour dire son désaccord à propos de leur conduite !
A leur retour, Ingrid et Grégoire se sont soudain mis à pousser des cris de colère en entrant dans la maison, alors que Scratch les avait bien entendus arriver d’humeur joyeuse en bas dans le garage. Lui qui était tout content de les revoir, est traité de « vilain chien » !? bousculé, repoussé sans ménagement, surpris par cette vague soudaine de colère, il court se blottir sur le canapé !
Ce que ses maîtres ne savent pas, c’est que leur chien n’a pas comme les humains un cerveau qui lui permette d’associer leur irritation présente et ses comportements d’il y a quelques minutes ou quelques heures.
Il n’a pas commis de « bêtises » comme vont le dire ses maîtres, il a juste voulu très "caninement" signifier que son autorité avait été bafouée! C’est pour cela qu’il a uriné sur le meuble de l’entrée, et déféqué bien en vue sur le fauteuil !
Mais voilà, personne n’a compris « le message » et l’a au contraire interprété de manière erronée en pensant : « il s’est vengé ! »
Alors quand Scratch s’est à nouveau retrouvé seul, il a dû chaque fois recommencer a aboyer pour dire son irritation renouvelée (et les voisins ont commencé à s’en plaindre !) à semer ses déjections, à gratter la porte de sortie…
Avec une fureur grandissante Ingrid et Grégoire découvraient de plus en plus de dégâts après chaque absence. Comme Scratch maintenant les accueillait assis dans un coin les oreilles basses, ils ont continué d’interpréter faussement sa nouvelle attitude de retrait inquiet par : « il sait qu’il a mal fait ! »
C’est avec une confusion grandissante que Scratch voyait maintenant revenir ses maîtres, apeuré par leurs cris et gesticulations incompréhensibles, et prêt à grogner si on venait à trop s’approcher de lui.
La communication était coupée, chacun ne sachant plus faire confiance à l’autre.
Dans ces exemples, c’est la nature du lien qui l’attache à son propriétaire qui est génératrice d’inquiétude pour le chien. Non perçues pour ce qu’elles sont, les manifestations comportementales de son désarroi sont suivies de réponses maladroites du maître, qui ne font qu’ajouter à la confusion de l’animal. C’est dans une recherche éperdue pour s’adapter qu’il en vient à produire des comportements de plus en plus désordonnés. Quand les maîtres ont compris cela, il devient évident pour eux qu’ils doivent réorganiser leur relation avec leur compagnon, afin que celui-ci trouve l’apaisement.
Les maîtres de Tarzan, Scratch et Toupie n’avaient pas exactement le même travail à faire pour retrouver chacun un molosse paisible et l’harmonie de leur relation. Mais c’est en passant d’abord par la compréhension du désarroi de leur compagnon, qu’ils ont pu ensuite s’impliquer dans les changements relationnels qu’il y avait lieu d’instaurer.
Comprendre l’autre, signifie entrer dans ses raisons, admettre ses mobiles. C’est une démarche de curiosité guidée par le respect de l’animal, qui mène à une communication plus vraie dans une authentique rencontre avec lui.
C’est en cessant d’attribuer à leur compagnon des sentiments et des pensées comme pouvait en avoir un être humain à leur place que les propriétaires des 3 molosses avaient déjà fait un grand pas.
En changeant nombre de ses comportements, Alex a dû montrer patience, indulgence et fermeté, pour que Tarzan découvre l’autonomie qui lui a permis de savoir rester seul sans stress.
En modifiant également nombre de leurs propres conduites, Ingrid et Grégoire ont dû déployer aussi beaucoup de patience, de rigueur et de constance pour imposer leur autorité à Scratch, qui a fini en s’y soumettant, par trouver la tranquillité intérieure.
Quant à Toupie la bull terrier, elle a réussi à se faire de nouveaux repères tranquillisants dans sa nouvelle maison. Ses maîtres pleins de compassion pour elle et travaillant à répondre enfin de manière appropriée à ses inquiétudes, l’ont rendue plus tolérante à leurs divers changements de rythme de vie.
Danièle Mirat
Vous pensez que votre chien détruit parce qu’il vous en veut d’être sorti sans lui ? !
Attention, ressentiment, rancune, esprit de vengeance, ne sont pas des sentiments de chien.
La réalité animale est souvent bien loin des idées toutes faites que s’en font les êtres humains, et voyons comment une relation avec un chien peut aller jusqu’à la rupture, quand elle est basée sur 2 idées reçues parmi les plus tenaces:
Non ! le chien qui détruit, aboie ou souille la maison de ses déjections quand vous tournez les talons, ne se « venge » pas !
Non ! ça n’est pas parce qu’il prend cet air penaud, presque rampant la tête et la queue basse, qu’il « sait qu’il a mal fait » !
Non ! le chien qui détruit, aboie ou souille la maison de ses déjections quand vous tournez les talons, ne se « venge » pas !
Cette première croyance n’est qu’une interprétation humaine et erronée, qui voile notre ignorance de la spécificité de l’animal.
Mais alors qu’est-ce qu’il a à détruire ainsi ? me demande Alex propriétaire de « Tarzan » son jeune dogue argentin.
Le molosse exprime simplement la détresse qu’il ressent quand il se retrouve seul sans son maître ; inquiet voire anxieux, il essaie de se libérer de sa tension intérieure en la redirigeant dans des actions de secouement, mâchouillement ou grattage de ce qui est à sa portée.
Malheureusement cela ne lui apporte pas l’apaisement recherché, puisque seule la présence de son maître le sécurise vraiment.
En écoutant Alex me faire le long récit des divers méfaits de son compagnon, je me représentais très bien Tarzan, déjà inquiet dès que son maître enfile son veston, prépare son porte-document, cherche ses clés pour s’apprêter à sortir ; je l’imaginais entendant Alex lui « expliquer » en mots qu’il ne comprenait pas ! qu’il fallait bien « que papa aille travailler, et qu’il attendait de son chien qu’il soit bien sage ! »
Tarzan resté seul se mettait à tourner, courir à la fenêtre, gémir quand ça n’était pas hurler, chercher anxieusement traces de son maître comme pour le faire être présent, trouver son odeur sur les coussins et les accoudoirs du canapé, les chaussons oubliés là, le tee-shirt accroché à la patère, le livre qu’il lisait hier soir.
Le molosse se saisissait alors tour à tour de l’un ou de l’autre de ces objets pour les mordiller, dans une vaine tentative d’y trouver un apaisement à sa détresse.
Désemparé parce que trop attaché
«L’ hyper attachement » c'est-à-dire un attachement unique et intense à une seule personne dans sa famille, est à la base de désarroi chez l’animal quand l’être d’affection s’absente, mais pas seulement.
C’est aussi parfois le fait d’un chien dont le positionnement relationnel n’est pas clair pour lui, n’étant pas de manière constante (voire pas du tout !) sous l’autorité de ses propriétaires.
C’était le cas de Scratch le doberman, indigné de voir partir librement, alors qu’il n’en avait rien décidé ! la petite famille dont il lui semblait avoir la charge ! D’où les détériorations plutôt situées au niveau des portes et fenêtres, aboiements de colère, et souvent déjections disposées toujours bien en évidence (de marquage celles-là) pour rappeler à ses maîtres qu’il ne fallait pas oublier qui était le chef dans cette maison !
Pas davantage motivés par l’esprit de vengeance que ceux Tarzan, les comportements de Scratch sont aussi l’expression de la détresse émotive d’un animal, qui lui ne comprend pas les comportements incohérents de ses maîtres.
En effet, Scratch n’en faisait souvent qu’à sa tête ; Ingrid et Grégoire ne s’y opposait pas trop, et lui offrait donc un statut social incertain, changeant, donc anxiogène.
En tout cas quand (rarement !) ils sortaient sans lui, ils se comportaient en maîtres ayant autorité (les seuls qui peuvent aller et venir librement) et donc en toute contradiction avec la plupart de leurs comportements habituels vis-à-vis de lui.
Dans le cas de Toupie, la bull terrier de Joseph et Pascale, c’est à la suite de leur déménagement qu’elle s’était mise à aboyer, détruire et souiller la maison de ses déjections éparses, puis ensuite à creuser dans le jardin chaque fois que ses maîtres tournaient les talons.
Là aussi c’est sa détresse que Toupie exprimait, devant une perte de ses anciens repères de vie ; insécurité intérieure qui peut aussi être ressentie par certains chiens, lors des retours de vacances ou de perte d’un être cher de sa famille, par décès ou divorce par exemple.
Un spécialiste du comportement pourra identifier avec précision ce qui motive ces différentes expressions de la détresse d’un chien. Destructions, aboiements, malpropretés, mais aussi agitations, activités autocentrées (grattages, léchages parfois jusqu’à mutilation), comportement alimentaire déréglé, etc.… la liste n’est pas exhaustive.
Non ! ça n’est pas parce qu’il prend cet air penaud, presque rampant la tête et la queue basse, qu’il « sait qu’il a mal fait » !
Chez leurs maîtres respectifs, les trois molosses avaient chacun souffert de cette seconde croyance qui accompagne la première.
Encore chiot, Tarzan avait déjà commencé à exprimer son inquiétude quand Alex s’absentait. Il se saisissait d’un objet ou d’un vêtement, le gardait avec lui sur son tapis, mais sans vraiment l’abîmer.
Constatant ces premières « bêtises » en rentrant chez lui, Alex bien fâché y avait réagi en grondant son petit molosse, récupérant ses affaires sur lesquelles le chiot sans comprendre, mi-joyeux mi-inquiet venait se rouler et se mettre sur le dos en posture de soumission, pour tenter d’apaiser le soudain courroux de son maître.
Tarzan n’étant pas en mesure d’associer la brusque colère d’Alex au fait qu’il avait dans la journée, transporté et mâchonné tel objet sur son tapis, ne comprenait pas ce qui motivait cette conduite, et se mit petit à petit à craindre chaque réapparition de son maître.
lI venait dorénavant l’accueillir à la fois fou de joie de le retrouver enfin, mais les oreilles basses, tour à tour en sautillant puis s’aplatissant, s’attendant à cette colère incompréhensible et maintenant habituelle de son maître, à chacun de ses retours.
L’escalade des incompréhensions mutuelles avait commencé : Tarzan gémissait longuement dans ses moments de solitude (selon les dires du voisinage) et cherchait de plus en plus désespérément à trouver un apaisement, en s’emparant d’objets divers qu’il allait maintenant jusqu’à déchiqueter nerveusement.
Se sentant de moins en moins rassuré par ce maître imprévisible, le molosse était maintenant couché sur son tapis quand Alex rentrait, la tête et les oreilles basses avec juste quelques timides battements du bout de la queue.
Cette attitude craintive et de soumission disait bien "caninement" sa désorientation intérieure et son souhait de ne pas entrer en conflit avec son maître, mais Alex l’interprétait humainement, comme l’attitude penaude d’un enfant qui venait d’être pris en faute.
Excédé par les plaintes des voisins, comme par les destructions toujours renouvelées, Alex entrait en fureur, s’agitait et réparait les dégâts, se retenait il ne sait comment ! de frapper ce maudit molosse qui pourtant « savait si bien qu’il était coupable » !! Il le punissait en l’isolant sur le balcon !
Après une bonne douche et une balade avec son chien, Alex enfin retrouvait son calme et sa bonne humeur… Tarzan lui, redevenait un peu joueur et insouciant… Jusqu’au lendemain seulement.
Pour Scratch, son histoire avait été tout autre.
En grandissant, petit à petit il avait pris l’habitude de décider de bien des choses dans son quotidien. Il gesticulait devant la porte pour obtenir de sortir, aboyait pour avoir de la nourriture à table, ou pour que cesse une trop longue conversation téléphonique, ou une de ces discussions à n’en plus finir de son maître avec le voisin.
Il sollicitait continuellement Ingrid, Grégoire et les enfants pour recevoir attention, caresses, jeux, etc...
Bref, il menait son petit groupe familial par le bout du nez ; alors la première fois qu’il a vu sortir tout ce petit monde là sans lui, il n’était soudain plus certain d’avoir la place de celui qui a le contrôle sur les siens (place qu’on lui laissait pourtant occuper d’habitude).
Scratch était frustré et indigné de tant d’insoumission de leur part. Il lui fallait rappeler à l’ordre ces « insubordonnés », et les aboiements, urine et défécations étaient là pour dire son désaccord à propos de leur conduite !
A leur retour, Ingrid et Grégoire se sont soudain mis à pousser des cris de colère en entrant dans la maison, alors que Scratch les avait bien entendus arriver d’humeur joyeuse en bas dans le garage. Lui qui était tout content de les revoir, est traité de « vilain chien » !? bousculé, repoussé sans ménagement, surpris par cette vague soudaine de colère, il court se blottir sur le canapé !
Ce que ses maîtres ne savent pas, c’est que leur chien n’a pas comme les humains un cerveau qui lui permette d’associer leur irritation présente et ses comportements d’il y a quelques minutes ou quelques heures.
Il n’a pas commis de « bêtises » comme vont le dire ses maîtres, il a juste voulu très "caninement" signifier que son autorité avait été bafouée! C’est pour cela qu’il a uriné sur le meuble de l’entrée, et déféqué bien en vue sur le fauteuil !
Mais voilà, personne n’a compris « le message » et l’a au contraire interprété de manière erronée en pensant : « il s’est vengé ! »
Alors quand Scratch s’est à nouveau retrouvé seul, il a dû chaque fois recommencer a aboyer pour dire son irritation renouvelée (et les voisins ont commencé à s’en plaindre !) à semer ses déjections, à gratter la porte de sortie…
Avec une fureur grandissante Ingrid et Grégoire découvraient de plus en plus de dégâts après chaque absence. Comme Scratch maintenant les accueillait assis dans un coin les oreilles basses, ils ont continué d’interpréter faussement sa nouvelle attitude de retrait inquiet par : « il sait qu’il a mal fait ! »
C’est avec une confusion grandissante que Scratch voyait maintenant revenir ses maîtres, apeuré par leurs cris et gesticulations incompréhensibles, et prêt à grogner si on venait à trop s’approcher de lui.
La communication était coupée, chacun ne sachant plus faire confiance à l’autre.
Dans ces exemples, c’est la nature du lien qui l’attache à son propriétaire qui est génératrice d’inquiétude pour le chien. Non perçues pour ce qu’elles sont, les manifestations comportementales de son désarroi sont suivies de réponses maladroites du maître, qui ne font qu’ajouter à la confusion de l’animal. C’est dans une recherche éperdue pour s’adapter qu’il en vient à produire des comportements de plus en plus désordonnés. Quand les maîtres ont compris cela, il devient évident pour eux qu’ils doivent réorganiser leur relation avec leur compagnon, afin que celui-ci trouve l’apaisement.
Les maîtres de Tarzan, Scratch et Toupie n’avaient pas exactement le même travail à faire pour retrouver chacun un molosse paisible et l’harmonie de leur relation. Mais c’est en passant d’abord par la compréhension du désarroi de leur compagnon, qu’ils ont pu ensuite s’impliquer dans les changements relationnels qu’il y avait lieu d’instaurer.
Comprendre l’autre, signifie entrer dans ses raisons, admettre ses mobiles. C’est une démarche de curiosité guidée par le respect de l’animal, qui mène à une communication plus vraie dans une authentique rencontre avec lui.
C’est en cessant d’attribuer à leur compagnon des sentiments et des pensées comme pouvait en avoir un être humain à leur place que les propriétaires des 3 molosses avaient déjà fait un grand pas.
En changeant nombre de ses comportements, Alex a dû montrer patience, indulgence et fermeté, pour que Tarzan découvre l’autonomie qui lui a permis de savoir rester seul sans stress.
En modifiant également nombre de leurs propres conduites, Ingrid et Grégoire ont dû déployer aussi beaucoup de patience, de rigueur et de constance pour imposer leur autorité à Scratch, qui a fini en s’y soumettant, par trouver la tranquillité intérieure.
Quant à Toupie la bull terrier, elle a réussi à se faire de nouveaux repères tranquillisants dans sa nouvelle maison. Ses maîtres pleins de compassion pour elle et travaillant à répondre enfin de manière appropriée à ses inquiétudes, l’ont rendue plus tolérante à leurs divers changements de rythme de vie.
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