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Tel maître -->> tel chien

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Message  Christine Ven 16 Oct - 17:31

Texte publié dans le magazine Atout chien n° 234 d'août 2005

Tel maître -->> tel chien



Cette expression populaire fait penser à tel père, tel fils… où l’on imagine tout ce que le fils peut recevoir d’influences de son père et se trouver détenteur de sa manière de voir le monde, de son caractère, etc.
Tel maître, tel chien est plus souvent vu sous l’angle de la ressemblance physique de l’animal avec son propriétaire.

Une étude scientifique menée aux USA et publiée il y a quelques années dans la très sérieuse revue américaine « Psychological Science » prétendait même démontrer cette tendance de l'homme à choisir un compagnon canin qui lui ressemble. Ces chercheurs concluaient que les personnes achetant un chien de race, le choisissaient en fonction de ressemblances physiques ou de traits de comportement communs. Conclusion qui permettait d'écarter l'autre théorie portant sur une convergence physique entre le maître et son chien, qui serait liée à la durée de sa possession.

Diverses autres observations faites en France, font se demander « quelle force circule entre deux êtres vivants, au point que l’un puisse agir sur l’autre et façonner son style émotionnel ?* »
(* Boris Cyrulnik)
Ces observations veulent aller plus loin que la simple démonstration du choix d’un chien sur sa ressemblance physique avec son propriétaire.
Elles font émerger comment les attentes, les émotions, le style de vie, les idées reçues du ou des propriétaires d’un chien, peuvent modeler celui-ci.

L’histoire de Voltaire

Bien seuls après le départ de leurs enfants, Gérard et Rosine ont acheté Voltaire et investi très fort affectivement ce petit compagnon à 4 pattes, qui bien sûr ne les lâche jamais d’une semelle.
Madame fait seule les courses quand Monsieur bricole à la maison, et inversement Madame fait son ménage quand Monsieur va chez son kiné, pour ne pas se sentir coupables de laisser Voltaire seul.
« On n’a pas un chien si c’est pour le laisser seul, d’ailleurs il nous est très attaché et n’aime pas cela du tout ! » m’assurent-ils convaincus de bien faire, en se contorsionnant pour ne jamais sortir ensemble.

Puisque selon eux on ne prend pas un chien pour le laisser seul, alors on ne lui apprend jamais l’autonomie, si bien que le jour où il faut aller tous deux à l’enterrement de l’ami de la famille ou au baptême du petit fils, on « abandonne » Voltaire (en tout cas c’est vécu comme tel) à la voisine pour quelques heures (mais faut-il que celle-ci soit là !)
Ce qui devait arriver, arriva : la voisine a déménagé et le jeune couple qui occupe désormais son appartement n’est pas si disponible.
Tout en culpabilisant, Gérard et Rosine (en pleine démarche de rénovation de leur intérieur) ont donc dû commencer à laisser Voltaire seul, pour faire des choix de meubles et autres éléments de déco (qui ne peuvent s’acheter qu’à deux)
Comme on pouvait s’y attendre, très insécurisé par ces absences auxquelles il n’était pas habitué, et dans le plus grand désarroi, Voltaire s’est mis à hurler et s’attaquer à son environnement.

D’abord compréhensifs et compatissants, les maîtres de Voltaire (Gérard surtout) se sont mis à voir d’un mauvais œil les dégradations successives de leur bel appartement qu’ils rénovaient petit à petit.

Gérard se sentait de plus en plus esclave de l’animal vécu désormais comme tyrannique, et destructeur de surcroît.
Il s’est mis à gronder et même rudoyer son chien (qui ruinait ses efforts de réfection de l’appartement).
Il suivait les conseils entendus ici et là selon lesquels il était grand temps de ne plus s’en laisser imposer ainsi par un chien et qu’il fallait sévir sur lui ! Sans se rendre compte qu’il préparait ni plus ni moins les prochains saccages aggravés, d’un animal de plus en plus confus et incapable de produire un comportement plus acceptable.

Les attentes du couple avaient pourtant été comblées :

Très friands eux-mêmes de contacts Gérard et Rosine avaient « organisé » un petit compagnon très attaché : Voltaire était donc très dépendant.
Redoutant pour eux-mêmes la solitude, ils lui avaient offert autant que possible leur constante présence : Voltaire était donc devenu exigeant.
Ignorants de l’impact du manque d’autonomie, ils n’avaient ni vu ni compris la détresse de leur petit compagnon lors de leurs absences, et n’y avaient évidemment pas proposé remède adapté : Voltaire n’a pas compris cette solitude et n’a pas su s’y ajuster.

Minés par leur culpabilité sous-jacente, puis débordés par leur propre colère : Gérard et Rosine ont d’abord grondé puis corrigé Voltaire sans plus s’efforcer de le comprendre.
Pourquoi sanctionner ? Dans le but (par la douleur causée) de supprimer ou en tout cas de décourager l’apparition de tout futur acte semblable. Un peu comme de vouloir faire reconnaître à Voltaire qu’il avait tort de se comporter ainsi et que s’il s’obstinait, il lui en cuirait !

Voltaire n’était pas un humain qui aurait pu accéder à ce que l’on attendait là de lui. Devenu nerveux et peureux il s’est seulement mis à produire des comportements de plus en plus inadaptés autant qu’inexpliqués. « Des pipis de marquage sur ce mur et ce meuble parce que cet appartement m’insécurise, des selles qui m’échappent en errant de pièce en pièce, des grattages de la porte, des mordillements des coussins ou de ce que je trouve sur mon chemin de déambulation anxieuse… actions qui pour un instant me libèrent un peu de ma tension intérieure… » Ah ! si Voltaire avait pu leur dire tout cela…

Le besoin que l’on a de la présence d’un chien, l’idée que l’on se fait de sa relation avec lui et les croyances que l’on entretient sur cet animal, organisent des schémas affectifs et comportementaux qui vont façonner la plupart de ses comportements.

Voltaire n’avait fait que répondre à ce qui lui avait été proposé de vivre au sein de sa famille. Gérard et Rosine « découvraient » que leurs propres conduites depuis l’adoption de Voltaire, provoquaient chez lui des réactions émotionnelles de satisfaction ou insatisfactions, auxquelles ils réagissaient émotionnellement eux-mêmes, satisfaits ou insatisfaits. Que c’était dans ce jeu relationnel qu’une régulation des comportements de Voltaire était possible. Mais que le recours à la sanction n’avait pas le pouvoir dissuasif attendu, d’abord parce que l’animal était maintenu dans ce lien de dépendance excessive, qui générait sa détresse de solitude.
Voltaire, ni détraqué, retors ou malade, allait pouvoir évoluer grâce à la meilleure communication que Gérard et Rosine lui proposerait avec mon aide.

Ces maîtres là… avaient modelé ce chien là, mais ils allaient pouvoir en « faire » un autre chien avec un autre mode de gestion de leur relation.
Christine
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